Capital et risque immatériels : les nouvelles dimensions de la valeur de l’entreprise
Où se trouve la valeur d’une entreprise ? Un bilan est loin de refléter entièrement cette valeur. En 2019, Apple vaut plus de 10 fois sa valeur comptable. En 2018 le capital immatériel des entreprises du CAC40 représente 76% de la valeur marché des entreprises. Sans atteindre les proportions d’Apple ou Google un tiers de la valeur du CAC est non inscrite au bilan.
Le capital est ce qui est investi pour assurer des bénéfices futurs. Le capital immatériel contribue au fonctionnement de l’entreprise et lui permet de se différencier par rapport à ses concurrents sans être quantifié dans les documents comptables. On pense immédiatement à la marque et à la confiance sous-jacente. Il faut aussi considérer la donnée, le capital intellectuel, la chaîne d’approvisionnement, les plates-formes de la nouvelle économie. Il est une source de savoir et d’expertise, promesse de bénéfices futurs avec un rendement croissant, sans valeur comptable et donc difficile à échanger ou à défendre. Le test des 4 S pour « sunkenness / Fonds Perdus, Spillovers/ Retombées Collatérales, Scalabilité et Synergies » facilite l’identification de ce capital immatériel.
Le risque immatériel
Les entreprises sont conscientes du risque sur leur capital physique pouvant causer une interruption des activités. Qu’en est-il du risque immatériel, défini comme tout ce qui peut endommager fortement la valeur du capital immatériel ou interrompre les opérations d’une entreprise alors que son capital physique reste accessible et opérationnel. Puisque la nature même du capital immatériel est d’être difficile à identifier, le risque immatériel est moins pris en compte que le risque sur les éléments tangibles du bilan. Le capital intellectuel, la donnée, la réputation, la confiance des clients ou des fournisseurs sont soumis à des risques difficiles à maîtriser mais qui sont soumises aux dangers liés aux réseaux sociaux, à la numérisation croissante des activités, etc.
De l’identification au pilotage
Voici les questions qui permettent d’aborder le pilotage de l’immatériel
1. Identifier le capital immatériel et sa contribution à vos bénéfices présents et futurs, un effort associant experts financiers et experts métier.
2. Cartographier les risques qui peuvent détruire ces flux de bénéfices, les risques sur les données, les marques, l’écosystème.
3. Piloter le risque immatériel structurés de la même manière que ceux mis en place pour le risque sur le personnel ou vos biens physiques : Évitement, réduction de l’impact, et de la fréquence, mutualisation, plans d’action.
Les observations sur le terrain montrent que la gestion du capital et du risque immatériels doivent mieux se structurer au sein des entreprises, qu’elles soient de la nouvelle économie ou en conversion vers l’exploitation des nouveaux outils de l’ère numérique.
Michel Philippart est Professeur Supply Strategies à l’EDHEC, spécialisé dans les relations client-fournisseur. Il y mène également des projets sur les technologies disruptives comme l’intelligence artificielle. Il contribue activement aux travaux de la Médiation des Relations Fournisseur Responsables et à la Charte et au Label « Relations fournisseurs et achats responsables » avec le Ministère de l’Economie. Diplômé Ingénieur Métallurgiste de l’Université de Liège, d’un MBA de Kellogg NWU et d’un DBA de l’Université Paris Dauphine, il combine 25 ans d’expérience en conseil (BA&H, McKinsey) et en entreprise (PepsiCo, GSK) à son engagement académique.