L’immatérialité d’une procédure pénale

Le risque pénal fait désormais partie de la vie des affaires.

Qu’elles soient relatives à l’usage des biens de l’entreprise, aux comportements à l’égard des salariés, à l’atteinte potentielle à l’environnement, les incriminations ne manquent pas et se multiplient. C’est l’esprit du temps – peut-être d’un nouveau moralisme – qui veut enserrer l’entièreté des comportements des sociétés dans le carcan de la loi et offrir une réponse judiciaire à toute action imprévue.

Ces risques sont heureusement de mieux en mieux appréhendés par les chefs d’entreprise, qui ne sont aujourd’hui plus surpris par la perspective d’une perquisition, d’une garde à vue, ou du regard inquisiteur d’un juge. Rompus à la stratégie, aux négociations difficiles, à l’importance du secret des affaires, nos entrepreneurs sont particulièrement conscients de ce nouvel environnement et s’y sont adaptés en assimilant les ressorts et la logique parfois tortueuse du code de procédure pénale.

C’est néanmoins dans les interstices de ce code que vient se nicher un nouveau risque immatériel : celui de la communication dévoyée de l’information. Dans une procédure pénale, cette communication de l’information a l’inconvénient paradoxal d’être à la fois inexistante et débordante.

Ainsi, à l’heure où est exigée des acteurs économiques une transparence toujours plus grande, l’accès au contenu d’une procédure pénale est tout d’abord lacunaire. Dans le cadre d’une enquête préliminaire – cadre d’investigation ultra majoritaire –, les personnes soupçonnées n’ont pas accès au dossier de la procédure. Il est ainsi exigé des chefs d’entreprise des réponses exhaustives et techniques alors qu’ils ne peuvent pas même consulter les pièces au fondement des soupçons formés à leur endroit.

Inversement, l’accès à l’information autour d’une procédure pénale se révèle trop souvent sans contrôle et nauséabond. Rien n’attire plus les caméras que les nuques baissées sortant d’un commissariat ou d’une salle d’audience, rien ne fait davantage couler d’encre que les extraits soigneusement choisis d’une audition ou d’un interrogatoire d’une personnalité en vue.

Les dégâts de ces quelques propos ou images volés sont considérables : ils contaminent toute la physionomie d’une compagnie et entache sa réputation. Cette mauvaise réputation détourne les clients d’une marque car ils redoutent de voir leur propre nom associé à celui du pestiféré. Elle affecte également les équipes : le management voit son attention accaparée par la problématique pénale et les collaborateurs, quant à eux, se montrent inquiets, les meilleurs talents devenant plus difficiles à retenir ou à attirer.

Pour pallier cet accès contrarié à l’information, l’entreprise aura besoin d’un professionnel de la matière pénale afin de s’approprier le bon tempo. A l’immatérialité de la communication pervertie, il opposera l’immatérialité du contrôle de la temporalité. L’avocat spécialisé envisagera ainsi l’allongement du temps par l’exercice des voies de recours utiles ou au contraire son rétrécissement en s’emparant des mécanismes de justice négociée (CRPC, CJIP). Son expertise conduira alors l’entreprise à faire de nouveau sien le temps judiciaire.

 

 

Armand Feste-Guidon, Avocat au Barreau de Marseille (droit pénal des affaires)

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