L’enjeu de demain, les Actifs Immatériels

Les actifs immatériels sont au cœur de réflexions structurantes. Ils sont bien plus qu’une ligne à ajouter au bilan. Ils représentent la valeur cachée d’une firme. À première vue, la notion d’immatériel, d’incorporel ou d’intangible semble antinomique avec celle de mesure et d’objectivation. Mesurer les actifs immatériels et se doter ainsi d’un référentiel représente donc un enjeu de taille… d’autant plus que, selon plusieurs études récentes (Ernst & Young, Eurosearch…), 85 % de la valeur des entreprises cotées seraient constituées par des actifs immatériels.

Les actifs immatériels sont au cœur de la stratégie des entreprises : près de la moitié des groupes ou des sociétés n’appartenant pas à un groupe ont mis en place une gestion d’au moins une composante immatérielle de leur activité :

  • la communication publicitaire est la politique la plus fréquemment mise en œuvre ;
  • dans les autres domaines, la taille de l’entreprise joue un rôle plus important ;
  • très logiquement, les entreprises commerciales possèdent une ou plusieurs marques, alors que les entreprises industrielles déposent davantage de brevets.

Aussi l‘investissement dans l‘humain est plus que jamais indispensable dans une économie dénommée « économie de l’immatériel ».

Les pouvoirs publics ont pris la mesure de l’importance de la place des actifs immatériels dans nos économies contemporaines dès 2010, via un groupe de travail (1) puis sous la forme de deux rapports (2).

Le rapport Thesaurus – Bercy identifie les actifs suivants :

  • Le Capital Client: il recouvre la capacité à développer les flux d’affaire ; d’acquérir de nouveaux clients ; de fidéliser les clients existants.
  • Le Capital Humain : il intègre certes les ressources internes et externes valorisées par la masse salariale et les honoraires ; mais également les dépenses de formation ; le coût des dépenses de recrutement et d’intégration des nouveaux collaborateurs.
  • Le Capital Organisationnel : celui-ci se compose des 4 éléments suivants : la culture d’entreprise ; le leadership, le travail d’équipe ; l’alignement entre l’atteinte des objectifs, les récompenses individuelles ou collectives accordées.
  • Le Capital des Systèmes d’Information : c’est à dire la capacité pour une organisation de disposer d’informations ; fiables, utiles et pertinentes.
  • Le Capital de Savoir : il s’agit de valoriser et de rendre visible le capital des connaissances (Knowledge Management) dont bénéficie l’entreprise. Il se traduit pour l’entreprise par la détention de brevets, de « secrets de fabrication »….
  • Le Capital de Marques : il est la résultante de plusieurs facteurs tels que : notoriété , fidélité, logo, image, réputation et signaux sociaux qui concourent à « l’image de marque ».
  • Le Capital Actionnariat : il permet d’extérioriser la confiance des investisseurs qui ont fait confiance à la firme.
  • Le Capital Partenariat : il s’agit de valoriser la capacité de l’entreprise à nouer des alliances et de constituer avec ses partenaires un écosystème propice à l’innovation.
  • Le Capital Sociétal : il mesure la qualité des relations et l’impact de l’entreprise avec les « parties prenantes ».
  • Le Capital Naturel : il rassemble ce qui a trait à l’environnement et à l’impact de l’entreprise sur son environnement.

Le capital immatériel peut représenter jusqu’à 85 % des actifs des Sociétés intervenant dans le champ de l’Economie Numérique. Investir dans le capital humain, et plus particulièrement dans les domaines de la formation, du Knowledge Management, dans la mise en valeur des « Soft Skills » dans les pratiques managériales, dans le partage d’une intelligence collective au sein de l’entreprise sera un vecteur privilégié de croissance dans la nouvelle Economie Numérique

La publicité fait exister et valorise des marques. Selon Maurice Lévy (ex-PDG de Publicis), elle est l’art, à la fois de dématérialiser la matière en la transformant en idée, en impression, en référence et de matérialiser l’immatériel en faisant de cette idée, de cette impression, la source directe d’un revenu.

La valeur comptable : indice de mesure ?

Dès octobre 1993, Rich Karlgaard, rédacteur en chef de Forbes ASAP, déclarait dans un éditorial : « En tant qu’indice, la valeur comptable est définitivement morte, ce reliquat de l’ère industrielle. Nous vivons à l’âge de l’information, bien sûr (…). Ne pas comprendre le peu de pertinence qu’a aujourd’hui la valeur de l’entreprise – et les actifs qui la déterminent – en est la preuve. Ce sont l’intelligence humaine et les ressources immatérielles qui constituent aujourd’hui les actifs les facteurs plus précieux de toute entreprise. L’économiste qui voudra proposer une meilleure mesure de la valeur d’une entreprise devra prendre en compte ces nouveaux actifs incorporels si importants aujourd’hui… [À ce jour], l’étalon de mesure nécessaire pour apprécier cette nouvelle source de richesse fait cruellement défaut »

Aussi valoriser le capital immatériel c’est apprécier la valeur d’actifs qui ne sont pas représentés de manière apparente et visible dans les états financiers.

Malheureusement les dirigeants d’entreprise appréhendent difficilement ce « trésor caché » et les Investisseurs et Institutions financières se fondant principalement sur les états financiers, les minore dans leur appréciation de la valeur des entreprises.

Ainsi les méthodes d’évaluation classique sont difficilement applicables aux entreprises innovantes.

Or la valeur d’une Start up ne repose-t-elle pas essentiellement sur son Capital Humain et son Capital Savoir ?

La qualité de la politique et de la démarche RSE ne repose-t-elle pas sur ses actifs immatériels ?

Les référentiels comptables traditionnels ne prennent pas par exemple en compte ce que les économistes dénomment « externalités positives » et qui constituent les fondements du Capital Sociétal et du Capital Immatériel.

Aussi la question des méthodes d’évaluation des actifs immatériels dépasse très largement le champ de la technique comptable.

Aussi la prise en compte des actifs immatériels est pour les entreprises et ses dirigeants un impératif stratégique et pour l’Etat un enjeu de politique publique.

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(1) Un groupe de travail Thesaurus – Bercy a été initié en 2010 sous l’impulsion de Madame Christine Lagarde Ministre de l ‘Economie et des Finances.

(2) Les conclusions se présentent sous la forme de deux rapports : Thesaurus V1 publié le 7 Octobre 2011 et Thesaurus V2 publié le 15 Octobre 2015

 

 

Bernard Attali, Président du cabinet de conseil en stratégie « Gouvernance et Valeurs », co-auteur de « Comment valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes » Editions de la Revue Banque – Mars 2020

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