Droit de l’immatériel : Focus sur le régime juridique des actifs numériques au regard de l’AMF

La loi du 22 mai 2019 (loi Pacte), instaure un régime juridique spécifique en matière d’actifs numériques, communément appelés les crypto-actifs, qui prévoit, en France, le statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), couvrant un grand nombre d’activités (10 au total).

Adoptant une approche fortement inspirée de la régulation du secteur financier, la loi identifie une liste d’activités qui, ayant pour objet un actif numérique, sont alors qualifiés de « service sur actif numérique » dont l’exercice est subordonné à un enregistrement préalable obligatoire auprès de l’AMF.

Ces services sont détaillés par le code monétaire et financier dont la lecture révèle un champ extensif.

C’est sous le titre des « autres prestataires de service » que les PSAN ont intégré le code monétaire et financier (art. L54-10-1 à L54-10-5).

Ce régime prévoit un enregistrement obligatoire auprès de l’AMF pour les acteurs offrant ces services ainsi qu’un agrément optionnel.

L’agrément impose au prestataire de respecter différentes exigences en matière d’organisation, de conduite de leur activité et de ressources financières. Il n’y a jusqu’alors pas eu de société agréée par l’AMF et seulement une vingtaine ont été enregistrés.

L’enregistrement auprès de l’AMF est obligatoire pour quatre types de services : l’achat/vente d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal (par exemple, échanger des bitcoins ou des ethers contre des euros), la conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers (à savoir la conservation des clés privées des clients et la capacité à les utiliser en leur nom), l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques et l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques. L’AMF n’intervient pas seule, puisqu’elle ne rend sa décision qu’après avoir reçu un avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Ce régime juridique exigeant est mis en œuvre par le régulateur dont il faut d’ailleurs observer que ses attentes ont évolué au fil du temps, et ce en dépit de la « jeunesse » du dispositif.

Le régime des PSAN s’est consolidé, voire il s’est durci depuis quelques mois et les obligations imposées aux porteurs de projets ne cessent de croitre, ce qui a tendance à décourager certains acteurs du marché.

En outre, l’ordonnance n°2020-1544 du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques est venue encadrer spécifiquement les acteurs du marché « crypto ».

En toute hypothèse l’AMF vérifie que le prestataire qui souhaite être enregistré se conforme bien à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT).

En la matière, et comme pour les opérateurs du secteur financier, l’organisation du dispositif de LCB-FT doit être adaptée à la taille, à la nature des activités et des services sur actifs numériques fournis, ainsi qu’aux risques identifiés par le prestataire.

Au vu des attentes du régulateur français et de la relative nouveauté de la matière, il faut donc porter une attention et une vigilance certaines aux exigences légales et aux processus organisationnels que le prestataire doit mettre en œuvre pour y satisfaire.

 

 

Céline Moille est avocate et docteur en droit privé international, inscrite aux barreaux de Lyon (depuis 2014) et Montréal (depuis 2019)

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